La question du terrorisme ajoutée à celle de l’instabilité politique et institutionnelle marquée par les coups d’État a dominé les travaux lors du 62è sommet des Chefs d’État et de gouvernement des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), le dimanche 4 décembre à Abuja.
La primauté accordée à ces deux phénomènes ne surprend guère l’opinion internationale, au regard des effets néfastes causés d’une part par le terrorisme qui continue de semer la terreur et la désolation dans les familles des agents de sécurité comme chez les populations civiles au Sahel et où les fous de la kalachnikov exerce une percée effrayante désormais en direction des pays côtiers du Golfe de Guinée, et d’autre part, les coups d’État devenus récurrents et qui prennent un caractère ordinaire voir légitime aux yeux des opinions manipulées et obnubilés n’ont d’autres arguments d’appui pour se justifier que l’insécurité liée au terrorisme.
Décidément la donne a changé. Les questions de terrorisme défient profondément l’intégrité, la solidité des institutions ainsi que leur crédibilité à l’égard des citoyens épris de paix et de justice. Le terrorisme en fait des institutions républicaines sa cible privilégiée pour les en affaiblir avant de s’attaquer aux citoyens.
C’est pourquoi des gouvernements responsables doivent se préoccuper des questions du terrorisme devenu un mal endémique et même à en trouver une solution efficace d’envergure régionale pour venir à bout d’un tel danger qui guète les Etats. La dimension de la CEDEAO est déjà une envergure appréciable pour décider à muscler les décisions pour frapper fort sur toute junte ayant tenté de prendre le pouvoir par la force de son arme.
Il faut absolument interdire à toute junte de gouverner par la force même un seul jour sur un peuple, qui ne l’a guère élue ! Le danger des juntes militaires sur le continent équivalent tout au moins à ceux du terrorisme, d’autant que tous entendent gouverner par la force des armes.
Et les juntes militaires au pouvoir ne génèrent pas moins de violence que le terrorisme en Afrique. Présentement, le procès du 28 Septembre à Conakry en Guinée est un cas illustratif des drames des coups d’Etat que l’Afrique connait.
Le temps est maintenant révolu de continuer à considérer même par les pays relativement à l’abri des attaques djihadistes comme une «affaire des autres ». Parce que la menace terroriste ne connait ni les facteurs de frontières ni les facteurs de démocratie pour franchir et frapper fort !
C’était sans tenir compte de la capacité de ce « cancer djihadiste » qu’est le terrorisme à se métastaser et à se propager sur l’ensemble des pays de la sous région Ouest africaine.
A ce titre, l’attaque de Grand Bassam en Côte d’Ivoire par le cerveau des attentats Kounta Dallah, le 13 Mars 2016 a révélé la capacité de nuisance de cette « nébuleuse terroriste » vis à vis des « Etats sécurisés » en apparence, de sa ruse et de ses intentions manifestes de défier à tout moment, les Etats démocratiques.
Ce marabout malien a été en effet, transporté par Mohamed Cissé, un chauffeur malien vivant en Côte d’Ivoire, qui reconnait devant le tribunal ivoirien avoir transporté le terroriste, mais sans être au courant de son projet d’attenter à la vie des 22 personnes à la plage de Grand Bassam, juste la veille.
Les risques de tomber dans l’erreur sont désormais aussi grands, d’autant les pays sont également des victimes potentielles de cette guerre asymétrique contre un ennemi invisible qui se fond souvent tout naturellement parmi les populations.
En ce qui concerne les coups d’État qui ont refait surface alors qu’on les croyait définitivement sortis du modèle de gouvernance politique, ils trouvent leur justification par l’insécurité grandissante dans les pays comme le Mali et le Burkina Faso.
En effet, dans ces deux cas les irruptions des armées prétoriennes sont aux dires de leurs commanditaires les conséquences des attaques terroristes qui ont endeuillé plusieurs personnes et isolé un pan de ces pays hors de contrôle de l’autorité centrale.
Hormis la Guinée Conakry dont le coup de force s’est justifié par la ferme volonté de « démolition » de la démocratie par le président Alpha Condé, on note une forte corrélation en terrorisme et coup d’État.
Par conséquent, lutter contre l’instabilité institutionnelle revient au préalable à rétablir la sécurité dans ces pays, ce qui couperait l’herbe sous les pieds de potentiels candidats aux putschs.
Dorénavant, légalité et la légitimité d’un pouvoir ne suffisent plus à justifier que les dirigeants continuent de dormir sur leurs lauriers dans la perspective des futures élections. L’exercice du pouvoir politique implique aussi l’obligation d’assurer un minimum de services publics aux populations, ne serait-ce que la sécurité qui n’est pas négociable.
Le sommet d’Abuja offre une occasion pour les Chefs d’État de la sous région Ouest africaine de se remettre en cause et surtout d’accélérer la mise en place des stratégies qui fédèrent les forces déjà présentes dans chacun des pays afin de bouter hors de la région, le terrorisme et son corolaire des coups d’État.
ABOUBACAR SOUMAÏLA