Il a été une épine dans les pieds de Roch Marc Christian Kaboré qui a fini par le jeter en prison. Il a été relégué aux oubliettes sous la parenthèse du lieutenant-colonel Paul-Henri Sandaogo Damiba. Il est à présent un souci pour le capitaine Ibrahim Traoré aujourd’hui aux commandes de la transition burkinabè.
Poursuivi le 10 Janvier 2022, soit deux semaines avant le putsch qui a renversé le régime de Roch Marc Christian Kaboré déposé par l’armée le 24 Janvier 2022 pour tentative de coup d’Etat, le lieutenant-colonel Emmanuel verra la requalification des faits qui lui sont reprochés le 11 Mai de la même année par le parquet militaire. On était alors sous l’ère Damiba.
Et, il fut maintenu à la Maison d’Arrêt de Correction de Ouagadougou (MACO) pour complot, détournement de biens publics, faux et usages de faux, enrichissement illicite et blanchiment de capitaux. Voilà ce qu’il en était de la situation du patron de l’unité de l’armée burkinabè surnommée « Mamba Vert » lorsqu’il bénéficia enfin d’une liberté provisoire, le jeudi 15 décembre 2022. De cette liberté, il n’en profitera que 12 jours.
Depuis le 27 décembre dernier, il est placé sous détention par des éléments de la gendarmerie pour enquête complémentaire. Cette fois aussi, le lieutenant-colonel Zoungrana risque gros. Le Procureur de la République près le tribunal militaire a dans un communiqué de presse rendu publique le lendemain de sa nouvelle arrestation qui ne laisse aucun doute sur les charges qui pèsent sur lui : les premiers éléments de l’enquête sont révélateurs d’un projet de déstabilisation des institutions de la République dans lequel seraient impliqués l’unité « Mamba Vert » et des civils.
Est-ce qu’il s’agit de cette tentative qu’avaient évoqué, il y a quelques jours de cela, plusieurs médias burkinabè et internationaux que le nouvel homme fort de Ouagadougou (le capitaine Ibrahim Traoré) aurait confiée en off dans un cercle restreint ?
Le lieutenant-colonel Emmanuel Zoungrana, faut-il le souligner, compte un courant de sympathie à Ouagadougou où il est perçu comme l’homme de la solution sécuritaire du pays confronté à la menace terroriste. A son actif, de nombreux faits d’armes aussi bien au Burkina Faso qu’à l’extérieur (contre le Front Polisario, au Darfour et au Mali), tout ce qui lui vaut un soutien au sein de la population et de l’armée, et qui, selon lui, est la cause de ses ennuis politico judiciaires.
Dans un enregistrement vidéo amplement relayé sur les réseaux sociaux, le lieutenant-colonel Emmanuel Zoungrana dit avoir échappé à deux tentatives d’empoisonnement à la MACO. Ce qui est sûr, il est loin d’être isolé. Son interpellation le jeudi 27 décembre 2022 a été difficile, ses soutiens voulant s’y opposer. Selon de nombreux observateurs, le dossier Zoungrana se doit d’être traité par les autorités burkinabè de la transition avec beaucoup de tact et d’intelligence, au risque d’en rajouter à la tension sociale de plus en plus manifeste d’une population excédée par l’ampleur de l’activité terroriste et au climat de méfiance qui règne déjà au sein d’une armée burkinabè qui, en ce moment, a besoin de cohésion, pour faire face au défi sécuritaire du pays.
Car il ne faut pas oublier de le souligner, l’après-Damiba est loin d’avoir été complètement soldé au sein des Forces Armées du Burkina Faso. Tout cela est un cocktail explosif qui peut sauter à la moindre étincelle. OUMAROU KANE