Au Burkina Faso, le massacre de 60 civils dans le Nord du pays suscite des interrogations aussi bien sur le nombre des morts que sur les auteurs réels d’un tel carnage. Depuis la guerre déclarée de la junte militaire Burkinabè contre les terroristes dont les attaques vont crescendo, le nombre de morts et de déplacés dans ce pays a atteint des proportions gigantesques.
Face à l’ennemi qui contrôle autour de 40% du territoire, les autorités burkinabè multiplient des stratégies diverses qui ont à l’évidence jusqu’à présent été en deçà des attentes de la population, d’autant plus que l’objectif principal de la junte militaire demeure la reconquête du territoire. Malgré les assauts menés contre les groupes terroristes, les drames sur les populations sont devenus légion et revêtent des formes de violences multiples.
C’est le cas du village de Karma situé dans la province du Yatenga qui vient de vivre l’horreur suite au massacre de 60 civils qui auraient été tués par des personnes en tenue militaire des forces armées burkinabè.
Cette précision liée aux tenues militaires portées par les supposés criminels amène les observateurs à penser à l’implication des forces armées burkinabè et leurs supplétifs des volontaires de la défense de la Patrie (VDP) récemment recrutés pour venir en renfort à la stratégie du tout militaire prônée par le capitaine Ibrahim Traoré. En effet, c’est justement une semaine qui sépare la mort de 8 soldats et 32 volontaires pour la défense de la patrie intervenue, lors d’une attaque terroriste.
C’est pourquoi, certains observateurs penchent pour la thèse de l’expédition punitive autrement dit les forces armées burkinabè auraient agi en guise de représailles contre les villageois qui abriteraient des terroristes. Le procureur parlant de « personnes arborant des tenues de nos forces armées nationales », on ne connaît donc pas leur identité.
Est-ce que ce sont des militaires ? Ou bien des personnes qui ont dérobé ces uniformes ? Les investigations devront tenter de le déterminer. Le procureur dans sa communication faisant état de « personnes arborant des tenues de nos forces armées nationales », dont on ne connait pas l’identité. Les supputations fusent de partout.
Est-ce que ce sont vraiment des militaires ou des personnes ayant dérobé ces uniformes pour se faire passer pour des éléments des forces armées burkinabè ? Ces quelques interrogations trouveront des réponses, dans des investigations sérieuses et approfondies par la justice qui s’est saisie déjà du dossier.
Pour rappel, en ce mois d’avril 2023, la justice militaire au Burkina Faso prévoyait une enquête afin de faire « toute la lumière » sur les morts occasionnés par de « graves altercations » à Diori, ville située au Nord du pays entre des soldats et des civils. Ces « expéditions punitives » gagnent en ampleur depuis la mise en œuvre d’offensives souvent dirigées à l’aveuglette par les forces armées qui confondent les populations aux terroristes, qui, il faut le reconnaître se sont souvent logés dans les villages bénéficiant quelque fois de la complicité des villageois.
La tentation à succomber à l’amalgame est grande, surtout lorsque des sentiments de revanche gagnent les militaires ayant perdu leurs frères d’armes. Ce carnage suscite des interrogations sur le professionnalisme des armées agissant souvent en dehors des règles élémentaires du respect des droits de l’homme, même en période de guerre, surtout lorsqu’il s’agit des volontaires pour la défense de la patrie dont la qualité de la formation reste à désirer.
Du reste, gardons espoir que les investigations de la justice permettront de faire la lumière sur des actes aussi lourds de conséquences pour la cohésion sociale au Burkina Faso, afin que la lutte contre le terrorisme ne s’apparente pas à l’extermination des populations. Ce qui aurait pour conséquences de nourrir le clivage déjà prononcé entre les différentes communautés.
D’où l’intérêt d’accompagner l’initiative du chef de Parquet « mon Parquet, saisi de ces faits dont la gravité est avérée, a donné les instructions nécessaires à la sous-unité d’enquête de procéder à tous les actes en vue de les élucider et d’interpeller toutes les personnes qui y sont impliquées », indique le procureur du Faso.
ABOUBACAR SOUMAÏLA