L’ONG de défense de la liberté de la presse Reporters sans frontières vient de publier son rapport annuel 2022. Elle déplore un chiffre record de journalistes emprisonnés dans le monde en 2022. Le bilan de l’année 2021 était déjà tristement célèbre. Mais celui de 2022 avec 533 journalistes dans les geôles de la démocratie ?
C’est le triste constat qui ressort du bilan en rapport avec ce noble métier qu’est le journalisme. Perçu par l’opinion publique comme l’agent principal d’informations et d’investigation dont le rôle est d’éclairer voire d’éduquer les populations, le journaliste est souvent pris à partie par des gouvernants qui le considèrent à tort, comme l’ennemi numéro un de leurs intérêts.
Malheureusement, en cette fin d’année 2022, l’Afrique veut entrer dans la nouvelle année 2023 par une nouvelle page noire pour les journalistes, en dépit de la sérieuse profession de foi prônée sur la liberté de la presse par la plupart des Chefs d’Etat africains. Au Sénégal, le journaliste Pape Alé Niang est retourné en prison dès le lendemain Mardi 20 Décembre, malgré sa libération saluée la veille seulement, pour « diffusion des fausses nouvelles », dit-on.
Au Burkina Faso, une dizaine de médias ont déjà dénoncé une main mise des autorités de la transition, à travers une déclaration rendue publique, le Lundi 19 Décembre pour marquer leurs vives inquiétudes, quant à la tentative des autorités transitoires à la tête desquelles trône le capitaine Ibrahim Traoré de « tenter de contrôler l’information par des individus zélés engagés dans cette entreprise liberticide », sans nom.
Les confrères burkinabè, tout comme ceux du Sénégal sont en mal certainement dans leur chair du déclenchement d’une machine d’acharnement des pouvoirs publics en place contre la liberté d’informer l’opinion africaine et internationale. Le président sénégalais Macky Sall en sa qualité de président en exercice de l’Union Afrique doit tout de même éviter d’endosser une telle image de liberticide de la presse dans son pays. Quant au capitaine Ibrahim Traoré, il devrait inspirer à la presse africaine, la confiance de l’aider à conduire « une transition calme et non trouble comme à la Dadis Camara » pour rétablir au pays de Thomas Sankara son intégrité perdue il y a longtemps et à sa population une paix et une quiétude durables, au lieu d’offrir une hideuse image de bastonneur des journalistes !
En Afrique par exemple, les années 1960 furent marquées par la forte présence de systèmes dictatoriaux, qui avaient muselé la presse faisant du journaliste un danger permanent pour le pouvoir, tant que ce dernier refusait de faire allégeance au « Gourou » !
Les années de démocratie autour de 1990 avaient suscité un réel espoir, au point de revaloriser le métier en Afrique et de faire des journalistes le moteur de la démocratie par la promotion de la liberté de presse.
Les législateurs qui avaient la main lourde contre les délits de presse avait procédé ainsi à un nettoyage des textes liberticides. L’espoir était donc né de voir ces homme de médias exercer en toute quiétude leur métier.
Mais hélas, quelle désillusion, année après année ! Malgré, la nouvelle donne, des journalistes sont encore inquiétés et traqués dans divers pays et certains ont même perdu leurs vies pour avoir relaté des faits compromettants contre le pouvoir et ce malgré le respect de la déontologie et l’éthique propres au métier.
Le bilan de la situation des journalistes dans le monde est dressé depuis 1995 par Reporter sans frontières (RSF) à partir de données précises établies du 1er janvier au 1er décembre de l’année de publication.
Il ressort du bilan de 2022 un chiffre record et historique, pire que celui de 2021 qui était lui aussi alarmant. Quelques exemples pourraient étayer cette conclusion.
Le nombre de journalistes ayant perdu leurs vies à cause de leur engagement est de 55 dont une augmentation de 18,8% par rapport à 2021. Au moins 65 journalistes et leurs collaborateurs sont pris en otage dans le monde.
C’est un paradoxe pour les démocraties qui voulaient que la liberté d’expression connaisse un ancrage institutionnel dans le monde au fil des années.
Le recul notoire de la liberté de presse dans le monde est symptomatique de la décadence progressive des démocraties, qui dans les faits ne sont que de façade.
L’opinion internationale par sa politique de « deux poids, deux mesures » qui consiste à fermer les yeux sur certaines dérives des pouvoirs publics tant que leurs intérêts sont en jeu a lourdement contribué à la détérioration de l’exercice de métier de journaliste.
ABOUBACAR SOUMAÏLA