Sénégal et Soudan, deux pays apparemment distants l’un de l’autre, tant par leurs réalités politiques que sociologiques, mais qui pourtant partagent des points communs au même moment où les violences internes continuent d’ébranler la quiétude des populations des pays respectifs. Le Soudan est entré en conflits depuis le 15 Avril 2023, du fait du déchirement entre les deux généraux désormais tristement célèbres, El Hemedti et El Burham dont les troupes ont mis à feu et à sang le pays, en plongeant ainsi les populations dans une véritable détresse.
Les multiples tentatives de trêve sont restées vaines bien qu’elles aient été émises par les puissances de ce monde. Seule justification, à cette barbarie, une guerre de positionnement en vue d’accaparer le pouvoir et de l’exercer de façon exclusive en écartant une partie de la population par la force, voire la ruse, à l’instar d’autres Républiques sur le continent qui, en réalité ne sont que des monarchies en puissance.
Au Sénégal, situé apparemment aux antipodes du Soudan, le pays brûle aussi depuis quelques mois à cause de deux clans, qui s’entre-déchirent, causant des morts déjà oubliés par ces mêmes sénégalais qui quelques fois les utilisent à des fins propagandistes. Le clan présidentiel avec pour Chef de file, Macky Sall et l’opposition aujourd’hui dirigée par Ousmane Sonko, du fait de sa popularité sont à couteaux tirés pour en réalité une course du maintien ou de la conquête du pouvoir.
Tels les deux généraux du Soudan, Macky Sall et Ousmane Sonko ont mis en branle leurs « armées» afin de mener une lutte sans merci contre le nouvel intrus, selon qu’on soit du camp présidentiel et contre le dictateur, le fossoyeur de la démocratie selon qu’on soit proche de l’opposant Ousmane Sonko. L’appel à la raison semble tomber dans les oreilles de sourds, d’autant plus que Ousmane Sonko a appelé à « déloger » le président Macky Sall, sans passer par les urnes, aussi paradoxale que soit l’attitude d’un tel démocrate.
Il ne faut pas se leurrer qu’au Sénégal tout comme au Soudan, les intérêts étrangers ne sont pas à négliger dans cette lutte de positionnement au regard de la nouvelle donne politique qui prévaut dans ce monde en pleine mutation aux accents de retour à la guerre froide. On l’aura vite compris, les guerres et les luttes dans ces pays sont entretenues et savamment orchestrées par des multinationales devenues plus puissantes que les États, sans oublier la lutte pour la conquête de nouveaux pays au cœur de la stratégie russe notamment dont les agents ont vite pris d’assaut les réseaux sociaux, distillant des informations déstabilisatrices à l’endroit des États pour le moment hors de leur influence.
L’Afrique patauge encore dans les méandres de l’incertitude de son avenir, en refusant de se décider de prendre en mains son destin. Le Soudan et le Sénégal nous apprennent que nous restons toujours esclaves de nos dirigeants, voire de nos leaders d’opposition prêts à sacrifier les intérêts de leurs populations aux profits de leurs intérêts égoïstes qui rencontrent certainement ceux des pays rapaces toujours aux aguets des failles béantes offertes par les dirigeants sans scrupules pour livrer gracieusement leurs citoyens en pâtures à ces requins toujours assoiffés de nouvelles opportunités.
A ce titre le chercheur français, Philippe Hugon, dans la Revue Tiers Monde publié en 2004 résume assez éloquemment la rencontre des intérêts entre les acteurs nationaux et ceux de l’étranger « les guérillas vivent de soutiens extérieurs, de prédation sur les productions ou sur les aides extérieures, ou de la captation des ressources naturelles. Si toutes les guerres n’ont pas une explication économique, toutes ont besoin de financement.
Ainsi le diamant, qui au départ a financé les guerres du Sierra Leone ou du Liberia plus qu’il n’a été un objet de celles-ci, est très vite devenu un objectif premier. La quasi-totalité des guerres en Afrique sont liées au contrôle des richesses (diamant, pétrole, narcodollars), aux conflits fonciers ou hydrauliques, au pillage ou à la recherche de protection contre rémunération.
Elles s’appuient sur la pauvreté et le chômage pour le recrutement des milices. En Afrique de l’Ouest, de nombreux conflits sont provoqués par le contrôle des ressources naturelles ».
ABOUBACAR SOUMAÏLA